Liberté 62 n°785 - Le 30 Novembre 2007 – 3 et 4 -Social
“LA DIRECTION DE L'UNEF EST EN TRAIN DE SE COUPER DE SA BASE ”
La représentation médiatique dominante du mouvement anti-LRU a voulu cette semaine imposer l'image d'une rupture du front de la mobilisation lycéenne et étudiante. Par ses déclarations et son attitude, la direction de l'UNEF a semblé la justifier. Liberté 62 s'en est entretenu avec François Delalleau, secrétaire de l'Union des Etudiants Communistes du Nord mobilisé en faveur de l'abrogation de la loi LRU.
Liberté 62 : “Suite à sa rencontre, mardi dernier, avec Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur, Bruno Julliard, président de l'UNEF, a déclaré que des "des garanties nouvelles" avait été données, que des "garde-fous déterminants" avait été établis et que des "avancées importantes" et "rassurantes" avait été faites. Qu'en pensez vous ?”
François Delalleau : “Il faut être clair sur ce point. Il n'y a eu aucune avancée resortant de ces négociations. En gros, Valérie Pécresse a simplement reformulé les propositions qu'elle avait faite en juillet dernier pendant les négociations préalables au vote de la loi. Il n'y a eu aucune autre avancée sur le fond de la loi. La direction de l'UNEF se satisfait de négociatons qui au final n'apportent rien de nouveau pour les étudiants et la communauté universitaire.”
L62 : “Samedi, des délégués de l'UNEF ont quitté le rassemblement de la coordination nationale étudiante de Lille avec grand fracas. La direction de l'UNEF, après avoir, il y a deux semaines, appelé à étendre la mobilisation étudiante, se déclare aujourd'hui satisfaite des propositions du gouvernement. Comment interpréter ces atermoiements ?
François Delalleau : “Depuis le début de la mobilisation étudiante, la direction de l'UNEF est restée en retrait du mouvement. Elle se disait respectueuse des décisions des assemblées générales tout en affirmant qu'elle n'appellerait pas à l'abrogation de la loi LRU. Aujourd'hui, avec les déclarations de mardi et la petite crise qui s'est déroulée lors de la dernière assemblée de la coordination, on a l'impression que la direction de l'UNEF pose les jalons pour annoncer l'arrêt du mouvement.”
L62 : “Mais si l'UNEF est restée, depuis le début, en retrait du mouvement anti-LRU, quels effets cette attitude peut elle avoir sur lui ?”
François Delalleau : “Je pense qu'elle ne pesera pas. Si la direction de l'UNEF appelle à l'arrêt du mouvement, elle perdra encore en influence. Que ce soit sur les étudiants dans leur grande majorité ou encore sur les milieux militants, la direction de l'UNEF n'a pas de contrôle.”
L62 : “Lors d'une conférence de presse qui s'est tenue mardi, un des porte-parole de la coordination nationale étudiante, après avoir appelé l'UNEF à “cesser toute négociation" avec le gouvernement pour "rejoindre" son action contre la loi LRU, a déclaré qu'il fallait “faire la distinction entre la direction de l'UNEF, qui négocie et les militants, qui dans les AG, réclament majoritairement l'abrogation de la loi Pécresse”. Qu'en pensez-vous ?”
François Delalleau : “C'est totalement vrai. La direction de l'UNEF est en train de se couper de sa base militante dans cette affaire. Il y a beaucoup de militants de l'UNEF qui, au début du mouvement, suivait leur direction syndicale et qui maintenant ne le font plus. La direction de l'UNEF s'est mise en porte-à-faux non seulement vis-à-vis du mouvement étudiant en général mais aussi relativement à se base militante.”
L62 : “Avant même les manifestations de mardi dernier qui ont rassemblé près de 40 000 étudiants et lycéens un peu partout en France, les grands médias ont présenté le front anti-LRU comme étant “fissuré” et le mouvement lui-même comme étant “essoufflé”. Cela vous parait-il pertinent ?”
François Delalleau : “Pas du tout ! Sur le terrain, on ne voit pas d'essoufflement du mouvement. Au contraire, en général, la mobilisation se renforce. Il y a des endroits où la mobilisation est difficile mais, en fait, dans ces endroits, la mobilisation est difficile depuis le début. Là où la mobilisation est forte, comme à Lille par exemple, la mouvement reste fort. Dans les autres universités, les échos que nous avons sont toujours aussi bons. Les étudiants sont toujours autant mobilisés.”
L62 : “Le mouvement étudiant et lycéen maintenant, porte la revendication de l'abrogation de la loi LRU. Ne porte-t-il aucune propositons ?”
François Delalleau : “Dans la coordination, et c'est notamment l'un des engagement des étudiants communistes, un projet de contre-réforme se fait jour. Dans notre perspective, nous cherchons à faire valoir une loi pour la réussite de l'université et en porter le contenu dans les AG pour qu'un maximum de monde puisse prendre part à son élaboration. ”
Propos recueillis par Jérôme Skalski
«LA LOI LRU N'EST NI AMENDABLE,NI NEGOCIABLE !»
Au terme de leur quatrième coordination nationale qui s'est déroulée à Lille I, samedi et dimanche dernier, les étudiants mobilisés contre la loi LRU on adopté un appel dans lequel ils ont précisés leur positions et leurs propositions. Extraits.
“Nous rejetons la LRU parce qu’elle signifie la privatisation de l’enseignement supérieur. L’introduction de financements privés va renforcer les inégalités entre universités et filières et va permettre une mainmise du patronat sur le contenu des formations. L’université n’est pas responsable du chômage, et adapter l’université aux exigences du "monde du travail" ne rapprochera pas les étudiants de l’emploi: la professionnalisation est au contraire le plus court chemin vers la déqualification et vers la précarité. La LRU implique aussi la précarisation des statuts des enseignants et personnels, et la transformation des présidents d’université en véritables managers.
Nous refusons la logique d’autonomie financière, qui implique le désengagement financier de l’Etat, et donc l’augmentation à terme des frais d’inscription. Nous refusons également l’instauration d’une pré-sélection à l’entrée de l’université, qui remet en cause l’accès de tous à l’université.
La ministre Pécresse a récemment annoncé le déblocage de moyens pour les étudiants en premier cycle (réorientation, tutorat), ainsi que la suppression des cautions pour le logement... en échange d’un «retour au calme» sur les campus. Cela prouve que le gouvernement voit bien qu’il y a un problème dans les universités, et qu’il a peur du mouvement étudiant. Mais ces annonces ne répondent pas au problème central : la LRU, et les dangers qu’elle nous promet (...)La loi LRU n’est ni amendable, ni négociable, que ce soit sur un plan local ou national. Depuis le début de la lutte, c’est la position de toutes les assemblées générales et de la coordination nationale, seules instances représentatives des étudiants mobilisés.
Si nous nous battons pour l’abrogation de la LRU, c’est parce que nous nous battons pour le droit à l’éducation pour tous, et contre la destruction du service public. Etudiants et lycéens, avec la LRU et les 11 500 suppressions de postes dans l’education, c’est notre avenir qui est menacé. Exiger l’abrogation implique donc de lutter pour une augmentation massive du budget de l’enseignement supérieur, pour la création des milliers de postes dont il y a besoin, pour de vrais diplômes nationaux reconnus dans les conventions collectives, pour l’égalité entre Français et Etrangers dans l’accès aux études. Cela implique aussi de lutter pour une augmentation massive des aides sociales, et d’être solidaires des salariés qui luttent en ce moment pour une amélioration de leur pouvoir d’achat.
Il est possible de gagner, de faire reculer le gouvernement sur nos revendications. SNCF et RATP, Air France, EDF-GDF, avocats, salariés de la fonction publique... Sarkozy a beau dire qu’il ne reculera pas face à nous, lui et son gouvernement ont été affaiblis par les grèves. La réussite de la journée de grève du 20 novembre a montré qu’il existait une volonté de lutte dans de larges secteurs de la jeunesse et du monde du travail. Les cheminots en particulier ont montré que lutter contre Sarkozy et sa politique était possible.
En effet, la LRU n’est pas une loi isolée mais fait partie d’un contexte de casse généralisée du service public dû à une libéralisation grandissante de la société et de l’économie française, ce que nous condamnons.
Pour cela, la coordination nationale appelle les étudiants à approfondir et amplifier la mobilisation dans les campus, à renforcer les liens entre personnels, enseignants et étudiants. Les lycéens doivent se mobiliser encore plus massivement. Et lycéens et étudiants doivent chercher la convergence avec les travailleurs, en premier lieu ceux de l’Education Nationale, notamment dans les universités et dans les lycées.”
http://www.liberte62.com/article-14318424.html
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