Signé par une quinzaine de personnalités de renommée internationale – écrivains, journalistes, avocats, professeurs, dont, Noam Chomsky, Howard Zinn et Ingnacio Ramonet -, Washington contre Cuba, un demi-siècle de terrorisme – L'affaire des Cinq, recueil d'articles publié au Temps des Cerises sous la direction de Salim Lamrani, est un livre de combat en faveur de la vérité, de la justice et des droits humains. Son objectif, «offrir au grand public les outils historiques qui lui permettront de formuler un jugement pertinent sur l'un des pans les plus anachroniques et cruels de la politique étrangère des Etats-Unis».
«Quoique les Etats-Unis commettent des actions totalement indéfendables du point de vue de la morale et de la justice, il existe dans mon pays, par malheur, une espèce de dépendance psychologique et politique insurmontable envers eux, malgré les cinquante années écoulées depuis que les troupes nord-américaines nous aidèrent à nous libérer du fascisme. Une espèce de myopie qui ne permet pas de voir la vérité en face et perpétue, sans plus de justification, une idée de la démocratie que la culture des Etats-Unis depuis le cinéma jusqu'au jazz, depuis la grande littérature moderne jusqu'au sport, depuis le théâtre d'avant-garde jusqu'au rock&roll, nous a transmise en nous conquérant» explique Gianni Mina, journaliste italien et collaborateur du journal La Repubblica dans le chapitre qu'il consacre à «L'affaire des Cinq» dans Washington contre Cuba, un demi-siècle de terrorisme. A considérer, en France, le caractère le plus souvent unilatéral et partial des «informations» diffusées par nos «grands médias» concernant l'histoire et l'actualité des relations américano-cubaines, leur silence à propos des «Cinq» – médias de «gauche» inclus – , ce jugement porté sur l'Italie semble indéniablement pouvoir être importé en-decà des Alpes.
Une espèce de dépendance psychologique et politique insurmontable envers les Etats-Unis
Evoquant son implication dans «L'affaire des Cinq» au début des années 2000, Gianni Mina écrit : «En Italie, en raison de ma profession de journaliste, j'ai essayé plusieurs fois d'attirer sur ce cas l'attention de tous les gouvernements qui se sont succédés, celle des partis politiques, en particulier ceux de gauche et des grands médias, mais sans résultat tangible». Concluant, il exprime son espoir de voir cette «histoire censurée» portée enfin à la conscience du plus grand nombre et que cesse l'injustice subie par les «Cinq» et le peuple cubain. En fait, la force de la «censure» témoigne de la force du «censuré» : il lui suffit de passer à la conscience pour que s'impose, à la femme et à l'homme de bonne volonté, l'acte qu'il appelle et exige. Car qu'est-ce que «L'affaire» des Cinq» ? Ignacio Ramonet du Monde diplomatique – auteur du chapitre «Miami, nid de terroristes» dans Washington contre Cuba, un demi-siècle de terrorisme - la qualifie sans ambage, rien moins que «l'un des plus grand scandale judiciaire de ce début du XXIème siècle».
Un procès kafkaïen
L'avocat d'Antonio Guerrero - l'un des «Cinq» -, Leonard Weinglass – connu en outre comme le défenseur d'Anthony Russo dans l'affaire des Dossiers du Pentagone, d'Angela Davis, de Jane Fonda ou encore de Mumia-Abu-Jamal – résume dans Washington contre Cuba, un demi-siècle de terrorisme les circonstances, les conditions et le déroulement du «Procès des Cinq cubains».
«Cinq Cubains, qui devaient plus tard être connus comme les Cinq, ont été arrêté en septembre 1998 à Miami, en Floride, et accusés de 26 violations des lois fédérales des Etats-Unis écrit-il. Parmi celles-ci 24 constituent des délits de caractères techniques et relativement mineurs (...) Aucun des chefs d'accusation ne comprenait d'utilisation d'armes d'acte de violence ou de desctruction de bien.» Les deux chefs d'accusation principaux qualifient leurs actes de «conspiration».
Dix-sept mois de confinement en cellule disciplinaire et de mise au secret
Il poursuit : «Au cours de 17 mois qui ont précédé le procès et alors qu'ils étaient encore présumés innocents, les Cinq ont été confinés en cellule disciplinaire et mis au secret, ceci dans le but de les amenés à plaider coupable au moyen de cette intimidation. Généralement ces cellules sont réservées aux délinquants de droits communs qui violent les règles de la prison. Les Cinq n'ont pas cédé mais cela a limité leur possibilité de préparer leur défense. Avant l'arrestation des Cinq, s'efforcant de réunir des peuves contre eux, les agents du gouvernement des Etats-Unis ont perquisitionné 5 fois chez eux sans mandat (...) Le gouvernement a frappé du sceau du secret tout les documents saisis (...) Il a ensuite refusé, après une réunion à huis-clos avec la juge, de remettre certains de ces documents à la défense comme l'exige la loi.»
«Au cours de la procedure de la séléction du jury, précise Leonard Weinglass, les procureurs se sont livrés à une épuration ethnique : ils ont éxclu tout un groupe de jeunes afro-américains critiques et les ont remplacé par des afro-américains plus âgés et susceptible d'être plus influencables. De fait, les procureurs ont agit sans éthique en rappelant, au début des audience, que ce procès était une question «de nous contre eux» et, ensuite, ont proféré de nombreux commentaires déplacés, peu conformes à la déontologie, propos qui se sont terminés par une diatribe, répétée à trois reprises, sur le fait que les Cinq étaient venus de Cuba «pour détruire les Etats-Unis».»
Les douze membres du jury ont déclaré les Cinq coupables sans poser une seule question ou demander une nouvelle lecture des témoignages
«Le procès a commencé à la fin de l'automne 2000 continue l'avocat d'Antonio Guerrero, il s'est terminé sept mois après, en juin 2001, c'est-à-dire qu'il a été le procés le plus long de l'histoire des Etats-Unis jusqu'à présent. Plus de 70 témoins ont défilé à la barre (...) Le déroulement du procès représente 119 tomes de transcriptions, outre 15 tomes de déclarations et de témoignages utilisés avant le procès. Plus de 800 preuves, certaines de plus de 40 pages, ont été produites. Le dossier était énorme. Début juin 2001, les douze membres du jury ont déclaré les Cinq coupables des 26 chefs d'accusation, sans poser une seule question ou demander une nouvelle lecture des témoignages, ce qui est très surprenant dans le cas d'un procès aussi long et complexe que celui-ci. En décembre 2001, la juge a édicté les peines maximales pour le Cinq (...) : Gerardo ández a été condamné à deux fois à la détention à vie, Antonio Guerrero et ón Labañino à la prison à vie, Fernado ález à 19 ans de prison et René ález à 15 ans.»
La mission des Cinq n'étaient pas d'obtrenir des secrets militaires étatsuniens, mais de surveiller les activités terroristes des mercenaires et d'en informer Cuba
Et Leonard Weinglass d'évoquer le contexte de ce «procès» aux allures kafkaïennes : «Les Cinq, originaires de Cuba, sont arrivés aux Etats-Unis après des années de violence exercées par des mercenaires armés appartenant à la communauté des exilés cubains de Floride. Cuba subit des pertes humaines considérables et d'importants dégats. Les protestations du gouvernement cubain auprès des Etats-Unis et des Nations Unies ont été vaines. Après la disparition des pays socialistes au début des années 1990, la violence a augmenté au fur et à mesure que Cuba s'efforcait de développer le tourisme. Les mercenaires de Miami ont répondu par une violente campagne par laquelle ils entendaient dissuader des étrangers de se rendre sur l'île. Une bombe a été découverte dans un des aéroport de la Havane, d'autres ont été déposées dans des bus et dans des hôtels et un touriste italien a été tué. Des hôtels et installations touristiques ont été mitraillés depuis des vedettes venues de Miami. La mission des Cinq n'étaient pas d'obtrenir des secrets militaires étatsuniens, mais de surveiller les activités terroristes des mercenaires et d'en informer Cuba. Ils n'ont jamais été armés, ils n'ont jamais violé les règles de sécurité, ils n'ont jamais cherché ni obtenu la moindre information classée top secret. Ils n'ont fait de mal à personne et n'ont provoqué aucun dommage matériel.» Il conclu : «Pourtant, trois d'entre eux purgent une peine de détention à vie dans des prisions étatsuniennes et l'un des trois à même été condamné à deux peines de prison à peprétuité.»
Jérôme Skalski
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Publié dans Liberté 62 n°864 page 8.
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