vendredi 9 octobre 2009

UN NON MASSIF AU PROJET GOUVERNEMENTAL DE PRIVATISATION DE LA POSTE


Organisée du 28 septembre au 3 octobre, la votation citoyenne sur l'avenir de La Poste a plus que réalisé les objectifs que se donnaient ses organisateurs.


Lancée au début du mois de juillet à l'initiative du Comité national contre la privatisation de La Poste, organisation unitaire fédérant partis politiques (PCF, PG, Verts, PS, NPA, Alternatifs, etc.), syndicats (CGT, SUD, FSU, FO, CFTC), associations et collectifs de défense des services publics, l'événement a tout d'abord contraint par le fait médias dominants et gouvernement à prendre en compte l'exigence d'un débat que les représentants de l'Etat entendaient éviter. Ensuite, il a imposé dans l'opinion l'idée que seul un référendum, expression de la souveraineté populaire, pouvait trancher la question de l'avenir de l'entreprise publique postale. Le fait, c'est la participation de 2 123 717 personnes à cette consultation. Le fait, c'est le «non» massif – 98,51% - exprimé en réponse à la question : «Le gouvernement veut changer le statut de La Poste pour la privatiser, êtes vous d'accord avec ce projet ?»

Plus de deux millions de votants

Dans les 10 000 bureaux de vote implantés sur l'ensemble du territoire français, ce «non» s'est toujours décliné massivement et partout avec une participation importante compte tenu du caractère non officiel de la votation – une moyenne de 5% des électeurs inscrits pour la France entière . A titre d'exemple, Seine-Maritime, Haute-Garonne et Seine-Saint-Denis, départements à population jeune et ouvrière qui avaient battu des records d'abstention aux élections européennes, totalisaient 225 000 votants, soit presque 10% des électeurs inscrits. En région Ile-de-France, ils étaient en tout 293 332 à voter. Dans le Nord et les Bouches-du-Rhone respectivement 77 480 et 153 045 votants. En Bretagne, se sont près de 133 000 personnes qui ont participé à la votation. Une réussite saluée à gauche. Un «résultat est sans appel» pour le PCF. Pour Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, un "coup de semonce assez significatif". Une "mobilisation historique" pour le PS. «Un magnifique succès» pour le NPA.

Arguments chocs


Mais le caractère massif de la votation et l'absence d'ambiguité de son résultat n'ont pas empêchés les «ténors» de la majorité présidentielle de monter au créneau sur la scène médiatique en répétant en choeur des «arguments chocs» aussi pertinents que chancelants. Deux couplets accompagnés du refrain : «Non, le gouvernement ne veut pas privatiser La Poste» formaient le gros du texte de leur ritournelle. Le premier portait sur le thème de la non transparence du vote, le deuxième sur sa non représentativité. Luc Chatel, porte-parole du gouvernement , a ainsi, par exemple, qualifié de «tartufferie» la votation citoyenne et lui a porté un fatal coup en déclarant : "si vous faites voter vingt fois la même personne, ça ne veut pas dire grand-chose.» Même son de cloche chez Frédéric Lefebvre, porte parole de l'UMP, qui a évoqué "des témoignages qui nous arrivent chaque jour sur les conditions staliniennes du vote avec des gens qui se sont amusés à voter 22 fois, juste pour voir" ajoutant : "on me dit que Louis de Funes et Marlon Brando ont voté". Nul doute que les sincères «témoignages» en question provenaient directement du Quartier Général de l'UMP et que les facétieux voteurs de trouble déguisés en citoyen lambda dépéchés sur site pour la bonne farce cotisent, «juste pour voir», à ladite organisation bien connue pour le caractère transparent et démocratique de son organisation interne. Quant à l'inénarable Raffarin, actuel sénateur de la Vienne, en déclarant tout de go : "Même s'il y a deux millions de personnes" qui ont participé à la votation "ce n'est pas le peuple. A deux millions, ce n'est pas une majorité de Français", il a tranché. Mais la lapalissade du Sphinx du Haut-Poitou ne prouve cependant qu'une chose, c'est que l'ancien premier ministre n'a définitivement «pas changé». Pas plus d'ailleurs que Marine Le Pen, vice-présidente du FN, qui a dénoncé la votation citoyenne en la qualifiant de "leurre institutionnel" et d'"escroquerie politique".

La mobilisation continue


Si l'assurance de l'Etat UMP concernant la votation et l'efficacité de sa «communication» ne doit pas être évaluée à la seule apparence de Matamore de ses défenseurs – comme le montre la campagne de publicité gouvernementale lancée mardi et titrée "La Poste, vous l'aimez, nous l'aidons à se moderniser" - , sa détermination à passer en force ne doit pas être sous estimée. Un point mis en avant par les représentants du Comité national contre la privatisation de La Poste. Visant à mettre en échec le projet gouvernemental, le comité national a appelé dès lundi ses comités locaux à «rencontrer immédiatement les sénateurs et les députés de leur département et circonscription pour exiger du gouvernement le retrait du projet de loi» ainsi qu'à mettre «immédiatement en débat dans les comités locaux avec la population des suites à donner à la votation : forum citoyen, journée nationale de manifestations, et nouvelle votation.» En ligne de mire, l'examen parlementaire du projet de loi gouvernemental qui doit s'engager au Sénat au début du mois de novembre.

Jérôme Skalski

Publié dans Liberté 62 n°882

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