mercredi 8 juillet 2009

HUIS CLOS JUDICIAIRE SUR L'AVENIR DE BOSAL ANNEZIN

Au sortir du Palais de justice d'Arras, la cinquantaine de salariés de l'usine Bosal venus pour assister à l'audience du Tribunal de commerce devant statuer sur l'avenir de leur entreprise a rejoint le cortège automobile qui les avait conduit d'Annezin à la préfecture du Pas-de-Calais avec un sentiment de désarroi ou de colère rentrée.

HUIS CLOS, telle fut la formule adoptée mardi 7 juillet pour la dernière audience du Tribunal de commerce d'Arras visant à statuer sur l'avenir de l'entreprise Bosal d'Annezin près de Béthune.

Elle était sensée mettre un terme à une longue procédure qui a débuté en début d'année avec la décision prise par Karel Bos, PDG du groupe Bosal International, de déclarer l'usine d'Annezin en cessation de paiement. Le personnel de l'usine est en grève totale depuis le 15 juin. L'usine bloquée et occupée.

Huis clos


Certains étaient venus en famille pour assister aux débats. Personne, pas même la presse, hormis le représentant du personnel de l'entreprise, n'aura pu le faire. La colère rentrée, malgrè le caractère dramatique de l'enjeu, consignes de retenue avaient été données. Finalement, la réponse du tribunal a été reportée au vendredi 9 juillet. Interdite d'entrer en salle d'audience, après avoir attendu calmement plus d'une heure et demi dans la cour d'un Palais de justice cerné par les forces de police, la cinquantaine de salariés de Bosal qui s'étaient déplacée sur les lieux en délégation a rejoint le cortège automobile qui devait les ramener à Annezin avec une seule certitude, celle d'au moins 298 suppressions d'emploi sur les 435 que comptait l'équipementier automobile spécialisé dans la production de pots d'échapement. A la sortie du tribunal, le représentant du personnel de Bosal n'a fait aucune déclaration. Attitude surprenante motivée selon certains salariés présents sur les lieux par une obligation de discrétion imposée aux manifestants par les adminstrateurs. C'est seulement plus tard, dans l'usine d'Annezin, que compte rendu a pu être fait à la presse des débats et des décisions prises.

Disqualification de l'offre de reprise par Cintrax

La nouvelle était tombée lundi au cours d'un Comité d'Entreprise extraordinaire. L'offre de reprise par Cintrax, reprise portant à la fois sur une partie de l'activité industrielle et de l'activité de distribution de l'entreprise était retirée du fait du refus par la direction de lui accorder l'utilisation des licences Bosal. L'offre de reprise de Cintrax était susceptible de préserver 141 emplois sur le site. Restaient deux décisions possibles, la liquidation judiciaire pure et simple ou la reprise de l'activité commerciale par Daniel Cassier, directeur marketing de Bosal France, avec une trentaine de salariés sur place et une cinquantaine d'autres pour travailler sur divers sites un peu partout en France. Dans les deux cas de figure, la fin de la production de pots d'échappement et la perte de leur emploi pour une très grande majorité des salariés de Bosal Annezin.

Une «magouille»


«L'offre Cintrax n'a pas été retenue. Aujourd'hui, nous dénonçons la magouille qui a eu lieu entre Daniel Cassier et Karel Bos a souligné Fabrice Caron, représentant du personnel pendant l'audience et secrétaire UNSA ( majoritaire) du CE, au cours de son intervention devant les médias. La direction a fait en sorte de ne pas étayer le dossier de Cintrax. Sans que les licences Bosal lui soient accordées, Cintrax n'a pas pu finaliser son dossier et, de fait, n'a pas été suivi par les financiers. A l'heure actuelle, c'est donc l'offre de Daniel Cassier qui a le plus de chance d'être retenue. Aujourd'hui, ils ont ramené des attestations en disant qu'ils voulaient garder le service de distribution de Bosal étant donné la satisfaction des clients par rapport aux livraisons. Il faut savoir que ces attestations, ils les ont eu en les engraissant avec des cheques et tout cela pour faire connaître la marque Bosal en plein redressement judiciaire. Une attitude innaceptable. Par un prête-nom qui s'appelle Daniel Cassier, notre ancien patron peut donc sortir par la grande porte et rentrer par la petite.»

Renault et PSA en flagrant délit de mauvaise foi

Dans la mise «hors jeu» de l'offre de Cintrax, les syndicalistes de la CGT voient une manoeuvre coordonnée des constructeurs et donneurs d'ordre Renault et Peugeot ainsi que de la direction de l'équipementier Bosal. «Une déclaration des avocats de Renault et PSA pendant l'audience, déclaration selon laquelle il leur aurait fallu plus de temps pour participer à une table ronde afin de trouver une solution industrielle a été rapportée au cours de l'assemblée des salariés et nous a tous fait bondir explique, mardi soir devant l'usine, Arnaud Buret, délégué de la CGT chez Bosal. Il y a maintenant une semaine, une réunion s'est déroulée entre pouvoir publics et politiques, à Lille, avec des représentants d'Artois Com [la communauté d'agglomération de Béthune et Bruay qui s'était engagée à racheter les bâtiments de l'entreprise afin de soutenir une offre de reprise industrielle ndlr], l'Etat et de la Région. Invités à cette réunion, Renault et Peugeot n'ont pas daigné se déplacer. Nous, dans la situation où nous étions placés, nous avions une préférence pour l'offre de Cintrax, une offre qui avait l'avantage d'être un projet industriel porteur d'un projet de diversification qui aurait permis de sauvegarder 141 emploi et peut-être même, à terme, d'en créer et, en tout cas, de sauvegarder sur place du savoir faire.»

Une manoeuvre coordonnée

«La mise hors jeu d'un projet industriel chez Bosal est le fait de Renault et Peugeot» souligne avec insistance Jacques Delelis de l'Union locale CGT de Béthune. «Alors que, précise-t-il, Renault et Peugeot, selon les déclarations de Sarkozy, sont sensés recevoir des fonds publics pour préserver le tissu industriel. Comme ces fonds ne sont pas pas attribués sous conditions, en fait, ces fonds sont utilisés pour organiser des transfert d'activités vers des pays «low cost». Le cas de Bosal est exemplaire de ce point de vue et les salariés de Bosal en sont tout à fait conscients. A Annezin, cela fait des années qu'il n'y a plus d'investissements.»

Actuellement, à 150 kilomètres de Moscou, Bosal International investit et étend ses capacités de production sur un site dont l'extension laisse loin derrière elle celle du site d'Annezin. Mardi, à grand renfort de force de police – BAC, CRS, RG...- pour veiller au «calme» des salariés de Bosal Annezin considérés comme coupables de perdre leur emploi et de manquer d'enthousiasme pour saluer la «joint venture» de Bosal International, Renault et PSA vers l'est européen. Au plus grand profit du capitalisme «refondé» à droite et plus si affinités. Avec la bénédiction du gouvernement Fillon-Sarkozy donc... Pas besoin de faire un dessin. Pas besoin de grill.

Jérôme Skalski

Aucun commentaire: