mardi 28 juillet 2009

RENCONTRE AVEC UNE FAMILLE D'ACCUEIL D'ENFANT BELARUSSE


Depuis presque vingt ans, les fédérations du Nord et du Pas-de-Calais du Secours Populaire Français organisent, pendant l'été, l'accueil de près de 250 enfants bélarusses des environs de Moghilev, une zone particulièrement touchée par les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. Pour chacun d'entre eux, c'est l'occasion d'un séjour prophylactique et d'une rencontre avec une famille de la région. Portrait d'une famille d'accueil en milieu rural, à l'occasion de la visite d'une équipe du SPF.

C'est à Rodelinghem, près de Ardres, dans le Pas-de-Calais, chez Monsieur et Madame Ferrant, agriculteurs à la retraite, qu'a été accueillie cette année, pendant tout le mois de juillet, la petite Victoria. Pour elle, ce n'est pas tout à fait une première. Elle était déjà venue chez eux l'année précédente. Mais, à huit ans et demi, le voyage du Bélarus en France reste une aventure. Même si...

«Dimanche dernier, c'était la fête de la famille...»

«Dimanche dernier, c'était la fête de la famille explique, au milieu des rires et avec un air faussement bourru, Monsieur Ferrant aux interprètes bélarusses et aux membres du SPF du Pas-de-calais présents : «Ils y avait presque cent personnes ici. Mais, Victoria ne s'est pas du tout trouvée dépaysée.»
Après que Victoria ait fait visiter sa chambre aux traductrices et se soit entretenue avec elles – l'un des buts des visites du SPF aux familles est de faire le point sur les problèmes éventuellement rencontrés par l'enfant dans son contact avec la familles d'accueil -, la conversation s'engage avec cette famille habituée à l'accueil d'enfants et, quand ils étaient en activité - à la ferme, ils étaient éleveurs et cultivateurs - à l'accueil de jeunes en général.

«On essaye de tout faire pour que les enfants soient heureux»


«On essaye de tout faire pour que les enfants soient heureux souligne Madame Ferrant. On insiste pour que Victoria mange des légumes. Les fruits, il n'y a pas de problèmes, mais les légumes c'est plus difficile.» Un petit peu intimidée, Victoria, répondant à nos questions, confirme qu'elle est contente d'être là. Elle vient de passer une semaine à Bourbourg, en Flandre maritime, chez la fille de Monsieur et Madame Ferrant qui accueille par ailleurs, en famille, un enfant bélarusse en août pour la fédération du Nord du SPF.
Expliquant comment ils avaient pris connaissance de l'initiative du Secours Populaire Français, Madame Férrant raconte : «C'est dans la revue paroissiale de la commune que nous avons vu que des enfants Bélarusses avaient été accueillis pendant huit ans par une famille de la commune, différents enfants, à chaque fois pendant un mois. L'article se concluait par : - «Pourquoi pas vous ?» Nous avons pris contact avec cette famille et la décision d'accueillir un enfant bélarusse avec le Secours populaire a suivi.»

«Pas une butte de taupe...»

«Nous sommes allés en Bélarus l'année dernière témoigne Monsieur Ferrant : «Après soixante dix kilomètres de route depuis Moghilev et quatre-vingt de piste dans la forêt, nous nous sommes allés sur place, dans les régions les plus proches de l'explosion. Des kilomètres avec, de temps en temps, une ferme perdue dans la campagne. Dans un village qui apparaît, personne. Pas un oiseau. Des petits bouleaux rabougris. Dans cette région, ce sont des plaines et des forêts qui sont restées en l'état depuis le jour de l'explosion. Nous, nous sommes paysans. Dans les champs, on regarde les buttes de taupes. Pourquoi ? Parce que s'il y a des buttes de taupes, c'est qu'il y a du lombric. S'il y a du lombric, c'est qu'il y a de l'humus dans le sol. S'il n'y a pas d'humus, c'est que le sol est mort. Là, rien. Pas une butte de taupe...»
«D'abord, nous, nous connaissions Tchernobyl par les journaux précise Madame Ferrant : «C'est en parlant avec nos voisins qui avaient déjà été en Bélarus que nous avons pris conscience de la situation. De la situation sociale et économique du pays aussi. La moyenne du salaire en Bélarus, c'est 200 à 250 euros.»

Un dernier mot en Bélarus

Le bonheur des époux Ferrant et celui de Victoria sont sensibles. Après deux séjours passés dans cette famille, en France, la petite bélarusse a pris ses repères. «Elle comprend tout» assure Monsieur Ferrant, son «papy» selon les termes de Victoria. En tout cas, Victoria sait quelques mots de Français qu'elle sait utiliser quand elle se chamaille avec leur petit fils.
Un dernier en Bélarus pour conclure. Monsieur et Madame Ferrant ne connaissent pas la langue bélarusse. Sauf un mot qu'ils sont arrivés à retenir : «Mama». La «mama» que joint Victoria de temps en temps par téléphone – pas trop longtemps cependant - est au pays. Pas besoin de traduction. Le reste se dit avec les yeux.

Jérôme Skalski

Publié dans liberté 62 n°871

Publié dans La Terre n°3380

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