dimanche 29 novembre 2009

MONTEE DES MENACES SUR LE SERVICE PUBLIC D'EPS

Parmi les disciplines scolaires, l'Education Physique et Sportive (EPS) fait partie des plus affectées par la politique gouvernementale de désengagement de l'Etat touchant l'Education nationale. Responsables du Syndicat National de l'Education Physique de la Fédération Syndicale Unitaire (SNEP-FSU), Marc Boulogne, secrétaire académique du Nord et Manuel Cabrera, secrétaire départemental du Pas-de-Calais font le point avec Liberté 62 sur la situation de l'EPS en France et dans la région.

Premier aspect abordé par les syndicalistes du SNEP-FSU, les suppressions des postes. «Sur l'ensemble de la fonction publique, il y a un départ sur deux en retraite qui n'est pas remplacé, taux de non-remplacement qui se retrouve pour la plupart des disciplines scolaires. En EPS ce sont deux départs sur trois qui ne sont pas remplacés» explique Marc Boulogne.

En EPS, deux départs en retraite sur trois ne sont pas remplacés


Dans le contexte d'une politique d'intensification des suppressions de postes dans l'Education nationale – 16 000 postes en moins en 2010, 13 500 supprimés en 2009, 11 200 en 2008, 8 700 en 2007 etc.- , l'EPS se trouve particulièrement visée par le gouvernement. En 6 ans, ce sont 6 000 postes de professeurs d’EPS qui ont été rayé de la carte au niveau national avec un recrutement au concours se faisant au compte-gouttes. Depuis quatre ans, le nombre des CAPES d'EPS est bloqué chaque année à environ 400 embauches pour, en moyenne, 1 300 départs en retraite. Conséquence de ces suppressions de postes -cours supprimés, encadrement insuffisant, services partagés...- la discipline s'enfonce dans le rouge.

Une situation particulièrement critique pour les remplaçants titulaires


La situation est particulièrement critique pour les remplaçants titulaires (TZR) en EPS. Sur les 3 000 suppressions de TZR dans l’Education nationale, 550 concernent l’EPS cette année soit 20 % de l’ensemble, alors que les professeurs d'EPS ne représentent que 10 % de l’effectif global des enseignants. Première conséquence, les remplaçants ne représentent plus aujourd’hui que 4 à 5 % % des effectifs d’enseignants d’EPS alors que ce chiffre devrait tourner autour de 10 % estiment le syndicalistes. Dans certains départements plus un seul remplaçant titulaire n’est disponible. Deuxième conséquence, le développement de la précarisation avec des chefs d’établissements qui se tournent vers des vacataires. Troisième conséquence, des conditions de travail qui se dégradent jusqu'à la limite du supportable. «Dans la région, beaucoup de TZR se retrouvent sur deux établissements avec des emplois du temps qui se chevauchent presque et impliquent des déplacements dans l'urgence avec tous les dangers, l'impossibilité de s'intégrer dans les équipes pédagogiqiues et le stress que cela entraîne» souligne Manuel Cabrera. «De véritables situations de crise sont vécue par les collègues TZR explique pour sa part Marc Boulogne, situations de crise qui tournent quelque fois en situations de désespérance pour des collègues qui ont le le sentiment d'être des profs Kleenex.»

Un tableau alarmant

Cette dégradation programmée de l'enseignement sportif par la voie du recrutement n'affecte pas seulement les conditions de travail des enseignants d'EPS mais le contenu de la discipline elle-même. Si le phénomène est général dans l'Education nationale, il produit des effets démultipliés pour l'EPS du fait de ses particularités pédagogiques. «Dans l'EPS, explique Marc Boulogne, le lieu dans lequel on fait cours est souvent éloigné. La perte de temps est importante du fait du déplacement des élèves, du passage en vestiaire ou encore de la mise en oeuvre des matériels. Pour une séance de deux heures en lycée, c'est moins d'une heure trente de pratique réelle et, à l'intérieur de cette durée, si on se retouve en sureffectif d'élèves, le temps de cette pratique réelle tend vers zéro.» «C'est une aberration politique par rapport aux déclarations officielles qui fixent à 30 ou 40 minutes de pratique sportive par jour pour les jeunes en terme d'objectif de santé soit au-delà de trois heures par semaine, chiffres qui sont loin d'être la réalité en France» souligne de son côté Manuel Cabrera. A titre de comparaison, les syndicalistes du SNEP-FSU rappellent que si les emplois du temps comprennent actuellement deux heures d'EPS en lycée et LEP, trois heures de la cinquième à la troisième et quatre heures en sixième, elles étaient de cinq heures dans les années 70. Pour les équipements sportifs de l'Education nationale, même tableau alarmant. Dans les stades, les salles de sport et les piscines, les conséquences du désengagement massif de l’Etat à l'égard de l'EPS se font cruellement sentir. Accidents, suppressions de cours, problèmes de sécurité se multiplient.


Menaces sur le sport scolaire

Autre fait souligné par les syndicalistes régionaux du SNEP-FSU, le processus de récupération des heures consacrées par les enseignants d'EPS à l'association sportive de l'établissement et le transfert de l'activité de ces associations vers un dispositif d'accompagnement éducatif à encadrement précaire ou moins qualifié. «Dans nos statuts, en tant qu'enseignant d'EPS, explique Manuel Cabrera, nous avons dix-sept heures de cours dans les classes ordinaires et trois heures consacrées à l'animation de l'association UNSS (Union nationale du sport scolaire) de l'établissement. C'est une particularité qui est une richesse pour l'enseignement sportif public, un dispositif unique en Europe qui permet aux élèves de se perfectionner dans les activités sportives pour un prix peu élevé. Or, dans ce domaine aussi, l'État retire ses billes dans le cadre des réductions de moyens. Cela fait déjà un certain temps que l'UNSS est menacé. Par exemple, depuis quatre ou cinq ans, l'État n'a pas réévalué les subventions consacrées à l'UNSS. Autre exemple, sous De Robien (ministre de l'Education nationale de 2005 à 2007 ndlr), la tentative de supprimer le caractère obligatoire de l'animation de l'association sportive pour les enseignants avait été engagée mais, du fait de la mobilisation des collègues, sans succès. Le but pour le gouvernement, c'est, d'une part, de récupérer ces trois heures pour chaque enseignant d'EPS et les transformer en postes et, d'autre part, de faire prendre en charge les heures d'UNSS par un accompagnement éducatif sportif sous-encadré, précarisé et moins qualifié.»
«Le sport scolaire c'est une oeuvre est un service public souligne Marc Boulogne. Dans le département du Pas-de-Calais, il y a plus de 20 000 licenciés à l'UNSS, plus de 60 000 pour l'académie et près d'un million pour la France. Des chiffres impressionnants. Pour nous, le changement de statut des cadres implique un changement d'orientation de la structure avec des risques, notamment, de concurrence entre l'enseignement de l'EPS et le sport à l'école en général. Ce qui est visé aussi c'est le statut de notre discipline et de notre métier, la transformation du sport scolaire en accompagnement scolaire sportif correspondant au fait de transformer le sport à l'école en une animation plutôt que de lui laisser sa place parmi les disciplines scolaires à proprement parler.»
A l'horizon du processus, soulignent les syndicalistes du SNEP-FSU, l'externalisation des activités attachées à l'éducation physique et sportive en vue de leur marchandisation : un processus de privatisation rampant du service public d'éducation dont l'EPS constitue un champ d'expérimentation et de test.

Jérôme Skalski

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