lundi 29 juin 2009

BAISSE DU PRIX DU LAIT-"LES PRODUCTEURS EUROPEENS DE LAIT SONT MIS EN CONCURRENCE LES UNS CONTRE LES AUTRES"


A en croire son bruit médiatique actuel, la mobilisation des producteurs contre la baisse du prix du lait semble être retombée. En fait, la colère des producteurs de lait reste entière. Engagée dans un processus d'interpellation de l'opinion publique et de structuration sur le long terme du mouvement, la Confédération Paysanne organise un peu partout en France réunions et conférences de presse. Pour le Nord et le Pas-de-Calais, Antoine Jean, porte parole régional de la Confédération Paysanne répond aux questions de Liberté 62.


Liberté 62 : «Récemment de nombreux producteurs de lait se sont mobilisés pour dénoncer publiquement la baisse du prix du lait. Quelle est l'origine de cette situation ?»


Antoine Jean : «La question du prix du lait n'est pas un problème franco-français. La baisse du prix du lait d'aujourd'hui est d'abord due à la politique engagée par la Commission Européenne avec l'aval des ministres français de l'agriculture. Depuis quelques années, une libéralisation de la production agriciole en général, mais surtout de la production du lait avec en ligne de mire l'arrêt des quotas laitiers pour coller à un marché mondial tantôt à la hausse tantôt à la baisse, tire l'ensemble des produits agricoles et en particulier des produits laitiers vers le bas. Nous, notre message, c'est qu'il faut maîtriser la production, adapter l'offre à la demande sur le long terme c'est-à-dire à la réalité de la consommation européenne et arrêter de baser une politique complète sur le marché.»

Liberté 62 : «En quoi le politique de l'Union Européenne est-elle en cause ?»

Antoine Jean : «La Commission Européenne a engagé l'arrêt des quotas pour 2015 avec une augmentation progressive de la production depuis deux ans. A peine engagée, cette politique produit des dégats considérables. Le prix actuel pour 1000 litres de lait tourne autour des 240 euros. Nous, nous disons qu'il n'est pas possible de vivre à ce niveau de prix. Pour l'Institut de l'Elevage aujourd'hui, 1000 litres de lait coûte entre 320 et 350 euros à produire. L'accord signé par la branche laitière de la FNSEA établit le prix du lait à 280 euros les 1000 litres. C'est scandaleux ! C'est comme si un syndicat de salariés signait un SMIC négatif.»

Liberté 62 : « Comment interprétez vous l'attitude de la FNSEA qui d'une part signe un tel accord et qui, d'un autre côté, se retrouve dans les mobilisations ?

Antoine Jean : «La FNSEA a signé cet accord au niveau de l'interprofession, interprofession sur laquelle ils continuent de garder la main sans partage. Pour eux, il s'agissait de se maintenir en place et de donner un coup de main à Michel Barnier, ministre de l'Agriculture et candidat à la veille des élections européennes. Ce n'est pas nouveau de la part de la FNSEA : engager des gens sur le terrain et signer des avis contraires. Aparemment, leur base syndicale a très mal pris cette attitude et bon nombre de producteurs sont venus sur des barrages à l'appel de la Confédération Paysanne ou de la Coordination Rurale pour dénoncer cet accord qui nous mène droit dans le mur.»

Liberté 62 : « Quel est l'état de la mobilisation actuellement ?»


Antoine Jean : « La mobilisation dans le Nord et le Pas-de-Calais, actuellement, est assez faible. En déplaçant le problème sur la grande distribution, la FNSEA a réussi à désorienter les producteurs de lait du fait qu'elle avait signé un mauvais accord. Mais, de ce point de vue, il n'y avait rien de nouveau. Pour ce qui nous concerne, cela fait 20 ans que nous dénonçons les marges scandaleuses faites par la grande distribution sur le dos des producteurs et des salariés. Sur le terrain, nous sommes engagés dans un processus d'information. Des conférences de presse ont été organisées un peu partout dans la région. Dans d'autre départements, dans la Loire par exemple ou dans l'ouest, régions plus spécialisées dans la production laitière que la Nord, le terrain reste occupé. Dans le Nord et le Pas-de-Calais, c'est plus difficile. L'Association des Producteurs de Lait Indépendants organise actuellement des réunions un peu partout en France pour proposer une grève du lait début juillet afin de destabiliser la collecte et obliger les collecteurs de lait à négocier. Pour ce qui nous concerne, nous n'y croyons pas trop du fait de la situation des producteurs de lait déjà confrontés à d'énormes problèmes de trésorerie. Mais, si une grève du lait s'engage effectivement, pour nous, il faudra bloquer les grosses unités laitières. Derrière toute la politique actuelle du lait en effet, il y a un processus de restructuration important et de concentration en faveur des grandes unités de production avec de gros troupeaux qui se créent et derrière chaque crise comme celle que nous vivons en ce moment, ce sont des produteurs qui disparaissent. Pour nous, il faut insister sur ce point : le problème doit se régler au niveau européen. Il ne peut pas se régler uniquement au niveau français. Récemment, nous avons eu écho d'une grosse coopérative laitière qui faisait venir du lait d'Allemagne parce qu'il était encore moins cher. Tous les producteurs européens de lait sont mis en concurrence les uns contre les autres et toujours sur le principe du moins disant. Cette semaine, au niveau de la Confédération Paysanne, une commission «lait» se réunit au niveau national. Une autre réunion se déroule à Paris avec la Via Campesina européenne pour discuter des actions à mettre en oeuvre et faire des propositions au niveau de la Commission européenne pour la faire changer de politique.»

Propos recueillis par Jérôme Skalski

Publié dans Liberté 62 n°867 p 7

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