mardi 23 juin 2009

LE LAIT TOURNE POUR LACTALIS NESTLE ULTRA FRAIS

Réclamant une somme d'environ 15 000 euros à titre de préjudice aux syndicalistes de la Confédération Paysanne qui avaient participé en 2004 à une action militante dans l'usine Nestlé de Cuincy, la société Lactalis-Nestlé Ultra Frais a été déboutée par le TGI de Douai.

Prélèvement de produits laitiers dans l'usine Nestlé de Cuincy près de Douai, distributions de tracts devant le siège de l'entreprise, distribution de ces produits dans les quartiers populaires de Lille... Pour avoir organisé et mené en décembre 2004, dans un cadre militant et syndical, une action de protestation contre la baisse du prix du lait payé par les industriels, baisse entraînant, pour les producteurs laitiers, en moyenne, une perte de revenu de 2500 euros par an, sept syndicalistes de la Confédération Paysanne du Nord et du Pas-de-Calais avaient été poursuivis et six d'entre eux condamnés, en mai 2008, à 800 euros d’amende pour «vol en réunion» – une relaxe, trois amendes fermes et trois avec sursis.

Une peine insuffisante pour Lactalis-Nestlé


Une peine insuffisante pour la société Lactalis-Nestlé Ultra Frais (LNUF) qui réclamait en outre une somme d'environ 15 000 euros à titre de préjudice. Après une audience devant le tribunal de grande instance de Douai au cours de laquelle la société LNUF demandait, dans le détail, 5000 euros pour les produits prélevés, 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble d’exploitation et 3 000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale, le jugement est tombé le 19 mai dernier déboutant la SA LNUF.

«Ce n'était pas nous les «voleurs»»

«Nous contestions la qualification de «vol» attaché par Lactalis-Nestlé à notre action syndicale explique Antoine Jean, porte parole régional de la Confédération Paysanne : «Etant donné leurs bénéfices, bénéfices faits sur le dos des producteurs et des salariés de l'usine, ce n'était pas nous les «voleurs». Ensuite, Lactalis-Nestlé n'a jamais su ammener d'élements probants devant le tribunal pour justifier le montant de sa demande.» «La société Lactalis-Nestlé compte-t-elle faire appel ? A considérer son acharnement contre notre action syndicale qualifée de «vol en réunion» par la justice, nous l'envisageons sérieusement» souligne-t-il.

Un véritable acharnement

A cet égard, à propos de cet «acharnement», l'actualité récente jette une certaine lumière sur cette «affaire». «Oui, c'est un véritable acharnement de la part de Nestlé Lactalis que nous subissons, avec un procureur de la République tout à fait à son écoute» souligne le porte parole régional de la Confédération Paysanne. «Nous mettons notre action en parallèle avec la mobilisation actuelle des producteurs de lait et à l'action actuelle de la FNSEA. Nous ne contestons pas du tout ce qui se fait mais nous sommes bien obligé de constater qu'il y a deux poids deux mesures. Aujourd'hui on voit des rayons de supermarché totalement vidés pour des dizaine de milliers d'euros. Dans une laiterie de l'Ile-et-Vilaine, récemment, 70 000 euros de dégats ont été constatés dans les bureaux d'une coopérative laitière. Des pneus sont brûlés devant des préfectures... Bref, des actions très dures. Leurs auteurs seront-ils poursuivi par la justice pour «vol en réunion»» ? C'est peu probable» souligne-t-il.

Deux poids deux mesures


«Il y a deux poids deux mesures. Pourquoi ?» s'interroge Antoine Jean : «Dans notre perspective, notre action visait à dénoncer la manière dont les multinationales s'emparent de la valeur ajoutée sur les produits laitiers sur le dos des producteurs mais aussi, nous insistons sur ce point, sur le dos des salariés. A travers notre action la direction de Nestlé visait explicitement des syndicalistes de l'usine de Cuincy et notamment ceux de la CGT, syndicalistes accusés par la direction d'avoir agit de connivences avec nous. Cet acharnement s'explique aussi parce que nous posons les vraies questions. Quand les producteurs de lait vont manifester en revendiquant un prix du lait acceptable, nous les approuvons. Mais, pour nous, telle quelle, cette revendication est insuffisante. Pourquoi en sommes nous arrivés là ? Pourquoi la grande distribution a-t-elle un tel poids ? Pourquoi le prix du lait est-il conditionné par l'exportation d'une partie des produits industriels dans le monde ? Si nous en sommes dans la situation actuelle c'est en partie du fait de la FNSEA qui gère l'inter-profession sans partage et qui n'a jamais remis en cause la maîtrise de la production. Par rapport au prix du lait, nous, nous tirons la sonnette d'alarme depuis deux ans. Depuis 2003, a été décidé, au niveau européen, la libéralisation de la production du lait en augmentant progressivement les quotas. Il y a un an, c'était l'euphorie, le prix du lait était élevé sur le marché mondial. Aujourd'hui, les prix se sont effondrés. La FNSEA mais aussi le gouvernement ont une très grosse responsabilité dans cette situation. Contrairement au syndicat majoritaire pour qui il faut une gestion privée de la production laitière, pour nous, il faut une gestion publique de la production laitière en Europe et en France.»



Jérôme Skalski

Publié dans Liberté 62 n°863 page 20.
Egalement publié dans La Terre du 2 au 8 juin 2009 page 11

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