lundi 28 septembre 2009

UN PREFET DROIT DAN SES BOTTES SOUS LA COUPOLE DE L'HOTEL DU DEPARTEMENT


Lundi dernier, c'est en deux parties que s'est déroulée la session de rentrée du Conseil général. En matinée, la séance a été marquée par le rapport introductif de son président ainsi que par un débat sur le RSA. L'après midi, l'accueil du préfet du département par les élus de l'assemblée délibérative du Pas-de-Calais devait constituer un événement.


Selon l'ordre du jour, la séance matinale était consacrée à divers rapports d'activité et au dépôt de plusieurs motions – une motion sur le droit des enfants, contre la casse du fret ferroviaire et sur le service public postal à l'initiative du groupe communiste.

Climat de panique

Dans son discours préliminaire, Dominique Dupilet, président du Conseil général du Pas-de-Calais, a mis en exergue deux points concernant l'actualité politique. La situation financière du département et le projet gouvernemental de réforme des collectivités territoriales. Sur le premier point, il a décrit un «climat de panique» chez de nombreux élus locaux, «climat de panique qui s'appuie sur une inquiétude légitime : la suppression de la taxe professionnelle et l'instabilité financière qu'elle entraîne au moment où les collectivités élaborent leur budget». Sur le deuxième point, le projet de réforme gouvernementale des collectivités territoriales, le président du Conseil général du Pas-de-Calais a souligné la «rupture conservatrice» qu'elle constituait qui «si elle devait voir le jour», serait «une catastrophe pour l'action des collectivités, une catastrophe pour les habitants du Pas-de-Calais, une catastrophe pour la France au moment où il nous faut relever collectivement beaucoup de défis. » Sur ces deux points un diagnostic et un pronostic convergents avec ceux développés par les élus communistes au Conseil général à la rentrée dernière. Un diagnostic et un pronostic qui appellent cependant, selon eux, non pas seulement un constat, mais une action efficace. Concernant le RSA par exemple, RSA auquel Alain Wacheux, président de la 7ème commission a consacré un long exposé. Intervenant dans le débat qui lui a fait suite, Martial Stienne, conseiller général de Vitry-en-Artois, a ainsi rappelé la position des élus communistes sur le RSA , dénoncé les conditions de contrôle pesant sur ses bénéficiaires et en a appelé à la responsabilité du Conseil général pour ne pas se faire l'«instrument» passif de la politique du gouvernement.

Evénement

Au cours de la séance de l'après-midi, le préfet du Pas-de-Calais, Pierre de Bousquet de Florian, après un rapport préliminaire portant sur les activités de l'Etat dans le département s'était engagé à répondre aux questions des élus du Conseil général, questions posées oralement ou indirectement, par écrit. Concernant les points soulevés en séance par les élus du groupe communiste, l'emploi industriel – intervention de Dominique Watrin -, la suppression de la taxe professionnelle et la sécurité dans les communes et quartiers populaires- interventions d'André Delcourt - ou encore la question de la qualité de l'accueil en maternelle et de la marchandisation de la santé – intervention d'Yvan Druon -, le représentant de l'Etat s'est peu ou pas départi des figures ordinaires de la rhétorique gouvernementales consistant à botter en touche ou à procéder par dénégation pure et simple.

Absence de réponse

Réagissant au rapport d'activité du préfet et intervenant tout d'abord au nom du groupe communiste, André Delcourt, conseiller général communiste de Divion, a souligné l'absence de réponse du préfet concernant les dettes de l'Etat à l'égard du département au titre des compensations de transfert de compétences – 162 millions d'euros en 2008 - et l'a interpelé au sujet du projet gouvernemental de réforme de la taxe professionnelle et de ses conséquences sur les finances et l'avenir des collectivités territoriales. «Par quoi le gouvernement va-t-il compenser cette perte de la taxe professionnelle quand les communes ont multiplié le nombre de commerces et d'entreprises et dégagé des sommes parfois très importantes pour répondre aux besoins des habitants ? Le but réel de cette réforme n'est-il pas de favoriser un transfert de la fiscalité des entreprises vers les ménages, d'amoindrir le champ d'action des collectivités locales pour mieux imposer aux Français la réforme institutionnelle qui prévoit la disparition des départements et l'effacement des petites et moyennes communes ?» a-t-il demandé. S'appuyant sur les déclarations du président de la République relativement au rapport Balladur sur le développement des intercommunalités comme «solution incontournable», la réponse du préfet, proposant la suppression des compétences et des capacités d'action actuelles des communes par l'asphyxie fiscale comme moyen pour sauver cet «échelon» auquels «tous» sont attachés, fut d'une subtilité byzantine. Avec la «garantie» apportée par le préfet des « engagements qui ont été pris de la façon la plus formelle par le président de la République ainsi que par le premier ministre» au sujet du maintien des ressources des collectivités locales, il est vrai que les élus du Conseil général auront sans doute été rassurés.
A la seconde question posée en séance par André Delcourt au sujet de la fermeture des commisariats, de la réduction de leurs horaires d'ouverture et de la disparition de la police de proximité, le préfet a été plus abrupt se réclamant de l'évidence des «bons chiffres» de la délinquance fourni par le ministère de l'Intérieur - juge et partie - et du «fait» que la «police nationale ne peut pas tout faire». «Nous avons fait évoluer la manière de faire de la police ces dernières années a-t-il souligné : «Pour le bassin minier nous n'avons pas diminué de manière significative le nombre de policiers mais nous les avons recentrés sur leurs missions. Nous les avons remis dans la rue en fermant, en limitant plus exactement, l'ouverture d'un certain nombre de circonscriptions de police qui sont devenues des bureaux de police moins ouverts mais avec des policiers redéployés dans des circonscriptions plus larges. La police de proximité n'a pas véritablement disparu. Elle s'exerce autrement, de façon plus incisive, avec des capacités d'intervention démultipliés.» «À la doléance quantitative je répondrai a-t-il conclu sur ce point, par le redéploiement qualitatif pour toujours mieux cibler et être à l'écoute en partenariat avec les élus», exemple de la plus belle eau de la langue de bois gouvernementale en la matière.

Aveu public

Aux questions posées par Yvan Druon, conseiller communiste de Harnes, concernant les services publics de la santé et de l'éducation, le préfet a été «droit dans ses bottes». A l'exemple évoqué par l'élu communiste d'une personne de son canton ayant appris par téléphone avoir le cancer et qui, une fois avoir pris contact avec son médecin traitant, s'est vue proposée, dans un cadre public, un rendez-vous dans les trois mois à l'hôpital de Lens pour un IRM et auprès d'un spécialiste, à titre de soin privé, dans la semaine pour le même examen , au même endroit, Pierre de Bousquet de Florian a déclaré ne pas croire «qu'il faut trop raisonner sur des cas particuliers» évoquant ensuite l'encouragement par le gouvernement des «bonnes pratiques» en matière de santé. Ce qui n'a pas empêché le préfet à propos la question posée sur la scolarisation des enfants en maternelle d'évoquer le «cas particulier» pour illustrer la «bonne rentrée» du département cette année.
Mais il serait partial de ne pas souligner l'aveu du représentant de l'Etat reconnaissant dans le département autant de suppression d'emplois pour la moitié de l'année 2009 que pour la totalité de l'année 2008 dans son rapport. Le fait a été remarqué par Dominique Watrin, conseiller communiste du canton de Rouvroy et président du groupe des élus communistes au Conseil général, soulignant dans sa question en séance l' «hécatombe de l'emploi industriel» dans le Pas-de-Calais et interrogeant le préfet sur l'utilisation des fonds publics en lui proposant de les mobiliser à l'aide d'un pôle public financier régional «en faveur des entreprises qui s'engagent réellement à maintenir ou à créer des emplois stables plutôt que de soutenir les grands groupes capitalistes qui procèdent en réalité à des délocalisations cachées.» Aveu qui n'a pas empêché le représentant de l'Etat, à nouveau, de botter en touche en évoquant, savamment, une «reprise» dont un «effet retard» nous contraint à nous reposer sur les «nombreuses» initiatives gouvernementales déjà engagées pour nous «éviter le pire».

Dans son rapport, sur l'ensemble des questions posés par les élus communistes au Conseil général – par écrit, sur le Pôle emploi et Sea France (Marcel Levaillant), sur l'accueil des enfants en cas d'absence d'un enseignant (Bruno Troni), sur la RGPP (Jean-Claude Juda) , sur la fermeture des Internats de Réusite Educative (André Delcourt) et sur la politique du logement (Lucien Andries) – ainsi que sur presque l'ensemble des questions posées en séance par les élus du Conseil général, le préfet a, semble-t-il, mis en application la thèse qui apparemment l'oppose au président du Conseil général à propos de l'implantation des éoliennes dans le département du Pas-de-Calais -problème posé à l'écrit par Martial Stienne pour le canton de Vitry-en-Artois. La preuve par le fait, - maigres espoirs de la plupart des élus de l'assemblée délibérative départementale déçus -, depuis la place d'honneur réservée au représentant de l'Etat et du gouvernement sous la coupole de l'hôtel du département : «Il y a encore de la place pour des éoliennes dans le Pas-de-Calais».

Jérôme Skalski

Aucun commentaire: