mercredi 23 septembre 2009

TABLEAU NOIR POUR UNE RENTREE SCOLAIRE

Tableau noir pour une rentrée scolaire

Selon les récentes déclarations du ministère de l'Education nationale, du rectorat et de l'inspection académique du Nord-Pas-de-Calais, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes scolaires à l'occasion de cette rentrée 2009. Une impression loin d'être partagée par les représentants de la FSU 62 réunis en conférence de presse ce lundi 7 septembre à la Maison des Sociétés d'Arras. Le contraste est même flagrant entre l'image officielle donnée de cette rentrée 2009, image flateuse pour le gouvernement et largement relayée par la plupart des grands médias, et la réalité constatée sur le terrain.

Loin de la vision idylique de la rentrée 2009 présentée officiellement par les représentants de l'Etat, les responsables syndicaux de la FSU 62 – FSU, SNES, SNUipp et SNEP - , à l'occasion d'une conférence de presse qui les a rassemblé en début de semaine à Arras, chiffres en main et témoignages à l'appui, dressent non seulement, pour cette rentrée 2009, le portrait d'une académie du Nord-Pas-de-Calais largement sinistrée mais qui s'enfonce de plus en plus dans le rouge, conséquences, principalement, de la réduction du nombre des postes d'enseignants dans la région depuis presque dix ans.

«Des centaines d'élèves de l'académie se retrouvent sans classes et bloqués pour poursuivre ou finir leur scolarité»


«D'abord il y a un gros scandale en cette rentrée» explique Catherine Piecuch du SNES-FSU : «Des centaines d'élèves de l'académie se retrouvent sans classes et bloqués pour poursuivre ou finir leur scolarité». Des exemples de ce fait se retrouvent dans tous les bassins scolaires du département. Ce sont les élèves titulaires d'un CAP à la fin de l'année 2008-2009 à qui l'administration rétorquant que le CAP est un diplôme de fin d'étude sont poussés en dehors du milieu scolaire. Même cas de figure pour les élèves titulaire d'un BEP . «Par exemple souligne Catherine Piecuch, les élèves qui ont obtenu un BEP carrières sanitaires et sociales pour qui la poursuite d'études est d'entrer en classe de ST2S se retrouvent face à un mur sans avoir la possibilité de continuer leur scolarité sur leur bassin scolaire.» Autre exemple : «Des élèves de seconde qui ne peuvent pas accéder aux premières pour lesquelles ils avaient été acceptés à l'issue des conseils de classe de fin d'année. A Boulogne, c'est par exemple une dizaine d'élèves qui ne peuvent pas rentrer en première L sur leur bassin et à qui l'administration propose d'aller à Montreuil-sur-Mer ou à Calais. Même chose pour les élèves de première STL ou, plus généralement , des doublants en terminale.»
Dénonçant le coût social de cette situation, Alain Dercourt du SNUipp précise : «Pour ceux qui n'auront pas les moyens de s'offrir un internat ou un transport, cela va va se payer très cher.»

Autosatisfecit gouvernemental et manipulation statistique

Concernant les déclarations officielles selon lesquelles la rentrée 2009 se ferait à moyens constants sur la base de la baisse de la démographie scolaire, les représentants de la FSU 62 sont unanimes pour dénoncer la manipulation statistique du gouvernement et clairement soulignent : pour 10 élèves en plus cette année c'est un poste en moins (+ 1 335 élèves entre 2001 et 2009 et – 133 enseignants). «En fait, le discours à moyens constants est fondé explique Catherine Piecuch sur une conception globale et moyenne qui masque la réalité de la situation.» Le sens de cette politique est résumé par Alain Dercourt : «La technique est simple. D'un côté, là où les effectifs d'élèves augmentent, on ne mettra pas de moyens supplémentaires. De l'autre, là où les effectifs d'élèves baissent, on diminue les moyens.» Le résultat étant une dégradation générale des conditions d'enseignement sur la base d'un choix politique volontaire de dégradation de la qualité du service public d'éducation. La question des effectifs dans les collèges est explosive avec des classes surchargées presque partout. En lycée, elle est critique. Globalement, avec des chiffres qui ne se sont pas vus depuis 20 ans.
Alain Dercourt continue : «Quand on choisit de diminuer les dépenses et de diminuer drastiquement les recettes avec des cadeaux fiscaux à n'en plus finir, on a beau jeu de dire que les caisses sont vides. C'est vraiment un discours idéologique. C'est de la politique des années 80 à la Thatcher ou à la Reagan : des politiques ringardes dont on connait d'avance le résultat en terme de pots cassés pour la société.» «D'ici 15 ans explique Catherine Piecuch, il va manquer de personnels qualifiés. La politique scolaire menée actuellement cherche à recréer une sorte d'élitisme social qui ne permettrait qu'à certains d'accéder aux formations supérieures avec en vue des principes très passéistes et pour lesquels sont sacrifiés ceux d'un enseignement démocratique accessibles à toutes les catégories sociales.» Le démantèlement du service public d'éducation signifiant aussi, pour les familles, des difficultés accrues en terme de vie quotidienne et de pouvoir d'achat.

Une situation catastrophique

Troisième point noir de cette rentrée évoqué par les syndicalistes de la FSU : la question des remplacements. «C'est quelque chose qui est très sensible depuis plus de trois ans maintenant souligne Catherine Piecuch. Mais cette année la situation est vraiment catastrophique notamment dans certaines disciplines. En mathématiques ce sont 40 % de remplaçants en moins en deux ans et moins 50 % en anglais. En documentation, pour le Nord-Pas-de-Calais, 88 postes sont vacants en documentation en cette rentrée.» Enormément de postes partagés aussi. Alain Dercourt évoque le cas d'une enseignante débutante à qui l'année dernière avait été confié trois niveau de classe : «Elle avait huit classes dans la semaine. En moyenne, elle passait trois quarts d'heure avec ses élèves par semaine. Des conditions de travail impossible.» Exemple de cas «extrême» qui se multiplie au détriment des enseignants, des familles et des élèves.
Le tout , la chose est à souligner, pour 1300 € en début de carrière et une baisse du pouvoir d'achat des enseignants de 20 % sur 20 ans, la montée des pratiques managériales dans les établissements scolaires et d'un culte de la «performance» notamment dans le premier degré.

De gros décrochages scolaires s'annoncent

La situation des lycées professionnels n'est pas en reste sur le tableau noir de la rentrée 2009 que dressent les responsables de la FSU 62. De gros décrochage scolaire s'annoncent dans les trois ans à venir avec la mise en place du bac professionnel en trois ans plutôt qu'en quatre. Illustration de la logique absurde du gouvernement qui, sous pretexte de pallier aux difficultés rencontrés par les élèves du technique, supprime une année de scolarité. Même aberration en ce qui concerne l'imposition d'une LV2 obligatoire pour les bacs professionnels tertiaires alors que la diversification de l'enseignement des LV2 n'est pas assurée dans les lycées professionnels. A la rentrée 2009, dans l'académie, ce sont 3000 élèves qui vont à être contraint de suivre un cursus d'espagnol en LV2 sans avoir fait d'espagnol antérieurement. Même diagnostic dans le le premier degré où ce sont, par exemple, 50 000 places supprimés en maternelle ou des RASED contraints de travailler de manière isolée.

Réagissant à cette situation, la FSU 62 a programmé plusieurs AG cette semaine avec la volonté d'organiser une action importante d'ici les vacances de la Toussaint. Des rencontre inter-syndicales sont en cours au niveau national. Un forum régional de l'éducation est programmé pour le mardi 10 novembre à Douai.

Jérôme Skalski

Publié dans Liberté 62 n°878

Aucun commentaire: