vendredi 20 mars 2009

ARRAS DIT «NON» AU FN

Près de 2000 personnes ont défilé, samedi 15 mars, pour protester contre la tenue de la «convention européenne» du FN à Arras. La manifestation répondait à un appel lancée par le collectif «Le FN à Arras ou ailleurs, nous disons non !».

Comment faire d'un non-événement – le lancement de la campagne européenne du FN pompeusement affublé du titre de «convention européenne» - voire d'un «flop» - entre 800 et 1000 participants selon les sources pour un rassemblement qui se voulait d'échelle «nationale» voire «continentale» apparaît, somme toute, plus que modeste -; comment faire donc d'un non-événement, un «événement» au moins médiatique ? La méthode Le Pen est bien connue et usée jusqu'à la corde : par la provocation.

Une méthode bien connue et usée jusqu'à la corde


D'abord choisir un lieu qui, par ses dimensions, provoquerait, par un effet quasi optique, un «grossissement» du non-événement : une ville de Province, ni trop grande ni trop petite, plutôt que Paris ou la région PACA par exemple – un poussif millier de militants frontistes, à Paris, cela serait passé pour ce que c'est, un «flop» et peut-être même presque inaperçu : le «flop», bien trop manifeste. Dans un bourg de Vendée en revanche, autre exemple, quelque peu «has been». Arras, portée par la vague Ch'ti, correspondait au profil. Choisir ensuite un lieu avec un passé récent et ancien douloureux en contraste avec le parfum exhalé par le non-événement. Arras faisait l'affaire. A deux pas des tombes profanées de Lorette, des fossés de la citadelle et de la stelle des héros de la Résistance, «inviter» des néo-fascistes flamingants, italiens et allemands était de très bon goût et d'un effet émotionnel certain sans qu'il soit nécessaire de prononcer un «bon mot» douteux qui soit susceptible de faire l'objet d'une poursuite judiciaire ou de froisser les nouveaux habits BCBG du FN.

Emoi politique en terre ouvrière

Choisir un lieu aussi avec des traditions propres à gommer le côté «bling-bling» du programme et des affidés du parti du millionnaire de Saint-Cloud et tel en outre que l' «émoi» politique engendré par cette incursion de classe en terre ouvrière mobilise de manière sensible le corps militant local et, dans son sillage, bien au-delà. L'occasion serait belle aussi de jouer, en grand, le numéro d'un FN «super-démocrate», outragé, faisant «front» face à des «appels à l'émeute» et des «menaces de mort» non signées – la chose est très tendance en ce moment. En pays Ch'ti, à deux pas du Bassin minier, la ville d'Arras était bien située.

Une jolie entourloupe

Enfin, choisir un lieu tel que l'entourloupe puisse se nouer sans embages. Une ville de Province aux traditions administratives débonnaires où la tenue d'un meeting du FN dans une salle municipale puisse être autorisée comme s'il s'agissait d'organiser un repas de communion ou un «anniversaire» – dans une interview donnée à un quotidien local, le terne et peu locace unique conseiller municipal frontiste de la capitale administrative du Pas-de-Calais s'en est amusé- et tel aussi, que le pot-aux-roses découvert, le courage politique des édiles locaux ne soit pas tel qu'il donne lieu plus qu'à un remords de conscience public, à une sortie «ubuesque» et surtout pas à une annulation de dernière minute. Surtout pas de feux d'alarme ! Arras s'imposait.

Un non-événement, devenu un «événement»

Donc, un non-événement – le lancement de la campagne européenne du FN – est devenu un «événement» par la grâce d'un calcul cynique. Cela a fait «parler de la ville» et rapproché la distance Arras-Paris de la distance Paris-Arras : les médias nationaux ont mis le «paquet», les médias locaux en ont fait - naïvement, c'est à voir... - des «tonnes». Ce calcul cynique porte bien la marque de fabrique de Le Pen : un joli cadeau fait par le vieux «chef» à sa fifille et future héritière des beaux quartiers parisiens en «résidence» actuellement, pour la gloriole plutôt que par sincère amour pour le Pays noir, dans la Bassin minier.

Des invités «remarquables»

Autre remarque. C'est sans doute pour empêcher les membres du Vlaams Belang invités à la «convention européenne» du FN de scander, pour la rime et le symbole, dans les rues d'Arras, un rat mort à la main, «franse ratten, rol uw matten ! » - « rats français, foutez le camp ! » - que la préfecture du Pas-de-Calais s'était soudain habillé de bleu pour la circonstance. Sans doute. Cela aurait fait «tâche». Mais la bonne ville d'Arras a vu bien d'autre «pestes». Elle s'en est relevé. La dernière poussée laissera le souvenir, juste, de vilaines traces brunes de caoutchouc sur les marches du Casino et sur les pavés de la ville martyre.

Jérôme Skalski


C'est à l'appel du collectif «Le FN à Arras et ailleurs, nous disons non» auquel participaient le PCF, la JC, la FSU 59/62, la Région Métallurgie CGT 59/62, l'Union départementale CGT 62, l'Union locale CGT d'Arras, le Comité d’Action de l’Université d’Artois, Citoyennes et Citoyens, Colères du présent, le Comité «Libérez-les !», l'Union Syndicale Solidaires 59/62, les Verts NPDC, les Jeunes Verts, le MJS de la section d’Arras, le Nouveau Parti Anticapitaliste, le Parti de Gauche 62, la section d'Arras du PS et le PCOF qu'était organisée, le 14 mars, la manifestation de protestation contre la tenue de la «convention européenne» du FN à Arras. La veille, un rassemblement au pied du Beffroi, place des Héros, à l’occasion du conseil de la C.U. d'Arras avait réuni une centaine de personnes, à 18 h 00, pour une ultime demande d'annulation du meeting frontiste au maire d'Arras. Le lendemain, un autre rendez-vous était donné, à 11 h 00, Place de la gare.

Aucun commentaire: