dimanche 8 mars 2009

MONTÉE DE LA RÉSISTANCE ÉTUDIANTE

Liberté 62 n°780 - Le 26 Octobre 2007 - 12 -Social

MONTÉE DE LA RÉSISTANCE ÉTUDIANTE

Par Jérôme Skalski

C'est au cris de : «Ni sélection ! Ni frais d'inscription ! L'université n'a pas besoin de patron !» ou encore de : «A ceux qui veulent privatiser les facs ! Les étudiants répondent : Résistons !» que près de 300 étudiants de Lille I, Lille II et Lille III ont manifesté, ce mardi 23 octobre dans les rues de Lille pour réclamer l’abrogation de la loi LRU.

CETTE initiative faisait suite à une semaine d'information et de mobilisation qui s'est déroulée sur les campus lillois – assemblées générales, distributions de tracts, prises de paroles dans les amphis... - menée en coordination avec une semaine nationale d'action et de mobilisation contre la loi LRU.

«L'université n'a pas besoin de patron !»

«Plusieurs assemblées générales (AG) et rassemblements ont eu lieu dans les universités réclamant "l'abrogation de la loi Pécresse" sur l'autonomie des universités», a affirmé le Collectif Contre l'Autonomie des Universités (CECAU).

D’autres journées de mobilisation à venir

A Rennes, 350 étudiants se sont réunis en AG puis 150 ont manifesté, à Nantes, 400 personnes ont tenu une AG puis ont manifesté de l'université jusqu'à la préfecture, à Grenoble et Amiens des AG ont rassemblé chacune 300 personnes et 200 à Tolbiac selon le CECAU. Des AG se sont également déroulées à Toulouse, Angers, Nanterre et Paris VIII. Le collectif, qui regroupe la Fédération Syndicale Étudiante (FSE), Sud-Etudiant, un groupe minoritaire d'étudiants de l'UNEF, l'Association Générale des Etudiants de Clermont-Ferrand (AGEC), les Jeunesses Communistes Révolutionnaires (JCR) et l’Union des Etudiants Communistes (UEC) s’est réuni mercredi après-midi pour examiner un appel à d'autres journées d'action après les vacances.


UNE UNIVERSITÉ TAILLÉE SUR MESURE POUR SERVIR LE GRAND PATRONAT

Rédigée en quelques semaines sans tenir compte des avis de la communauté universitaire, examinée en procédure d’«urgence» et adoptée par l'Assemblée nationale le 6 août dernier, la loi relative aux «libertés et responsabilités des universités» ou loi LRU ou encore loi Pécresse se présente comme un acte d'offensive sans précédent contre l'université publique.

UNE loi qui place l’université au service des besoins du marché et ouvre à la possibilité d'un accroissement incontrôlé des frais d'inscription. Elle met l'université au service des besoins du «marché» en définissant les connaissances que doivent acquérir les étudiants à partir des besoins spécifiques du grand patronat lui même au service des intérêts immédiats et étroits du profit – banques, actionnariat...-. Elle soumet la formation universitaire et les étudiants à la logique du rendement et des quotas. Dans ce but, la loi complète les dispositions de la réforme LMD : elle permet dès à présent aux universités de gérer elles-mêmes, non seulement leurs formations, mais aussi toutes leurs ressources, leur patrimoine immobilier et de recourir à des financements privés sans contrôle.
Par la création de «fondations» au moyen desquelles le grand patronat peut financer les «formations professionnelles », elle encourage un type d'enseignement pour ses besoins immédiats, le désengagement de l'Etat et, par le biais de ses autres dispositions, à la possibilité d'une augmentation modulée – selon les universités – et incontrôlée des frais d'inscription ou de scolarité – élitisme de classe, université à deux vitesses...

Une loi qui met l’université sous la tutelle du secteur privé

Dans le même ordre d'idée, la loi LRU place l'université sous tutelle privée. Les universités peuvent transférer à des «fondations» privées leurs biens pour «assouplir» leurs règles de financement et de gestion. Financées par un mécénat privé, elle remplace la dotation de l'État par un financement dépendant du bon vouloir du grand patronat local. Les «fondations » peuvent disposer des biens immobiliers qui sont affectés à l'usage de l'université. Elles peuvent les gérer selon les règles privées. Elles peuvent céder les "droits réels" (usufruit, hypothèque...) et vendre leurs biens à des tiers, en particulier à des entreprises privées. L'université mise sous tutelle du grand patronat est partiellement privatisée et bradée.

Une loi qui affaiblit la démocratie universitaire en augmentant le pouvoir des présidents d’universités

Elle restreint la démocratie à l'université. Elle augmente considérablement le pouvoir des présidents d’universités. Le mandat du président passe de 5 ans non renouvelables à 4 ans renouvelables. Il est aligné sur celui du Conseil d'administration (CA), ce qui lui permet de s'assurer une majorité sans contre-pouvoir, sur le modèle du quinquennat. Le président élu par le CA seul et non plus par l’ensemble des conseils a des pouvoirs accrus concernant la gestion, la nomination des personnels – clientélisme, pressions diverses... - et l’administration. Les décisions du conseil d'administration étant prises à la majorité absolue et non plus des deux tiers, cela permet d'adopter une proposition contre l'avis des étudiants (environ 15 % du CA), des personnels (environ 10 %) et de la majorité des enseignants et chercheurs (environ 40 %). Les «personnalités extérieures» (syndicats patronaux, chambres de commerce...) pouvant représenter jusqu'à 40 % du CA, et un certain nombre de ses membres étant pour ainsi dire sous le contrôle et la contrainte économique du président d'université, le CA devient l'instrument d'un pouvoir aux allures despotiques et féodales.

Une loi qui organise le démantèlement de la fonction publique et du cadre national de l'enseignement supérieur

Cette loi organise le démantélement du cadre national de l'enseignement supérieur. Un diplôme obtenu à Lyon n'aura ni le même contenu ni la même valeur qu'un diplôme obtenu à Paris ou à Lille. L'université devient un facteur social de dévalorisation des compétences professionnelles et un moyen de renforcer la ségrégation de classe et la ségrégation géographique – universités de relégation. Le statut des enseignants- chercheurs comme des personnels est attaqué avec notamment le droit de veto du président sur les affectations et la possibilité qui lui est donnée de recruter des contractuels à la place des fonctionnaires. Est créée ainsi une catégorie de non-titulaires permanents ce qui renforce la précarisation et la concurrence entre les personnels.

Toutes les composantes, sauf les écoles et instituts (UFR, départements, labos...) sont désormais créées par le seul CA, sans aucune régulation nationale. La création d'un dispositif de pré-inscription qui se veut une mesure d'"orientation active" vise clairement à dissuader au mieux, empêcher au pire, les étudiants de s'inscrire dans la filière de leur choix. Deux conséquences en résultent : un "tri sélectif" à l'entrée à l'université, premier pas vers la sélection et la possibilité de vider les filières dites "non rentables" pour plus vite les supprimer.

http://www.liberte62.com/article-13477493.html

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